Nos choix ne sont jamais noirs ou blancs

Ma mère, quand elle crée, finit toujours par mettre ses œuvres en noir et blanc.
Elle dit que ça lui permet de voir si le contraste est suffisant — si la lumière et l’ombre se tiennent bien, si l’image a du poids.
C’est sa manière de vérifier que tout fait sens, même sans couleur.

Et parfois, je me dis que j’aimerais pouvoir faire pareil avec le monde.
Le passer en noir et blanc pour y voir plus clair.
Savoir ce qui est “bon” et ce qui est “mauvais”, ce qui aide et ce qui détruit.

Mais en réalité, rien n’est jamais aussi simple.
Pas dans ma vie personnelle, ni dans les industries qui m’intéressent.

Prenons l’écologie, par exemple.
Tout est une zone grise.
Recycler ou acheter moins? Tu crois bien faire en triant tes déchets, jusqu’à ce que tu découvres que les infrastructures du Québec ne suffisent pas à gérer tout ce qui est envoyé au recyclage.
Résultat : une bonne partie finit à la fournaise.

Et voyager?
On nous dit d’éviter les vols, de limiter nos déplacements.
Mais c’est en voyageant qu’on comprend à quel point le monde est petit, et à quel point on dépend les uns des autres.
C’est aussi en voyageant qu’on soutient d’autres économies, d’autres cultures.
Chaque choix a sa part d’ombre.

L’impuissance écologique, c’est peut-être ça :
Être conscient du contraste, mais incapable de rétablir l’équilibre.
Voir la lumière et le noir, mais ne plus savoir où poser la prochaine touche de couleur.
C’est cette tension entre compréhension et inaction qui nourrit mon anxiété — ce sentiment d’injustice, d’impuissance.

Mais peut-être qu’un changement de perspective ne sert pas à réparer.
Peut-être qu’il sert simplement à mieux voir.
À prendre du recul.
À regarder la pièce comme un tout, plutôt que de s’acharner sur un coin du tableau.

Et peut-être qu’en cherchant un peu plus de lumière dans nos gestes,
on finit par redonner du sens — à notre art, à notre vie et à notre planète.

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